lundi 15 juin 2009

Récession : sommes nous en 1929 ?


"On a tout dit sur la crise bancaire, ou presque. Et que de bêtises ! Cette crise n’est pas une crise des « subprimes » mais une crise, bien plus globale, de la titrisation. "
A cette question lancinante," La crise financière qui entraîne la récession économique débouchera-t-elle sur des troubles sociaux et politiques, comme le monde en a connu pendant 10 ans, après le krach boursier américain de 1929 ?", il est intéressant de se rappeler la réponse de Jean-Marc Sylvestre et Olivier Pastré, Professeur d'économie à l'Université de Paris VIII, Président de la banque IM Bank (Tunis), et membre du Cercle des économistes, intervenant bien connu à l'Université Groupama :

"On a tout dit sur la crise bancaire, ou presque. Et que de bêtises ! Cette crise n’est pas une crise des « subprimes » mais une crise, bien plus globale, de la titrisation. Cette crise n’a rien à voir avec la crise de 29, car elle a éclaté dans le cadre d’une économie mondiale en croissance très vigoureuse. Mais cette crise n’est pas non plus une crise comme le monde en a connu à répétition depuis plus de 20 ans, de celle des « savings and loans » américaines à la fin des années 80 à la bulle Internet au tournant du millénaire. Car la crise actuelle est une crise globale, qui touche tous les pays et tous les recoins de la « planète Finance ». La responsabilité de cette crise ne peut donc être imputée de manière exclusive à aucun agent économique en particulier, pas plus les agences de notation que les Banques centrales ou les banques elles même. Renonçons donc au confort intellectuel de la désignation de tel ou tel bouc émissaire et regardons la réalité en face. Cette crise est une crise globale qui tient à une difficulté majeure à évaluer le risque financier aujourd’hui et qui éclate dans une économie mondialisée, déséquilibrée (déficits américains, excédents des pays émergents…) et surliquide.

Alors, on peut évidemment attendre que les mécanismes de marches opèrent le rééquilibrage selon des logiques que l’on connaît bien. Les restrictions de crédit vont générer un ralentissement de l’activité qui commandera une baisse de la demande de financement, ce qui permettra aux banques de se refaire une santé. La hausse du prix du pétrole freinera la consommation ou poussera les investisseurs vers des énergies alternatives… Plus important encore, toute crise majeure a pour effet d’éliminer du jeu ceux qui ont pris trop de risques et qui ont été irresponsable. Le système n’a pas a faire de morale, les acteurs du système doivent eux avoir un comportement moral. Le système n’a pas à être responsable, les acteurs du système eux doivent être complètement responsable.

On peut dons attendre que le jeu du marché contribue a retrouver un équilibre de croissance. Le problème c’est que le rééquilibrage sera long et douloureux. Les faillites bancaires. Les restrictions de crédits ont déjà fait des millions de victimes. Les autorités politiques ne peuvent pas accepter les conséquences sociales d’un tel désastre. C’est pour cette raison qu’elles ont, elles, la responsabilité d’améliorer le fonctionnement du système par des règles du jeu plus claires et mieux adaptés a la mondialisation.

Et ce qui est le plus grave aujourd’hui, un an après l’éclatement de la crise, ce n’est pas tant les erreurs de diagnostic, ce n’est pas tant les interventions massives pour éviter les catastrophes que l’absence de propositions. Oh ! Il y a bien en çà et là quelques « réformettes » et quelques velléités de mise à plat du système. Mais ce qui a été fait en un an n’est pas à la mesure des dysfonctionnements que cette crise a révélé et nous conduit donc tout droit, et à une vitesse croissante, dans le « mur » de la récession. Face à une telle situation, il est neuf réformes au moins qu’il faut mener en parallèle et non séquentiellement :
1) La refonte par les banques de leurs grilles de rémunération et de leurs procédures de contrôle interne.
2) La création rapide d’un superviseur bancaire européen.
3) L’élargissement du périmètre de régulation, de sorte que tous les acteurs financiers qui prennent des mêmes risques soient soumis aux mêmes règlementations.
4) La réforme du cadre réglementaire s’imposant aux agences de notation et aux « hedges funds ».
5) La migration progressive des marchés de gré à gré vers une plus grande centralisation et des produits de titrisation vers une normalisation plus rigoureuse.
6) La redéfinition des missions du FMI, pour faire assumer à celui-ci les fonctions de coordination, à l’échelle mondiale, des politiques monétaires et de mise en cohérence des régulations financières.
7) le contrôle progressif des paradis fiscaux, notamment en matière de transparence.
8) L’ouverture aux pays émergents de la gouvernance de l’économie mondiale, ce qui passe par une remise en cause du G7.
9) l’adaptation des normes comptables (IFRS) et prudentielles (Bâle II) aux enseignements tirés de la crise actuelle.

Ces neuf réformes ne sont ni de Droite ni de Gauche, ni libérales ni « colbertistes ». Elles sont de simple bon sens. Pour faire en sorte que l’économie de marché se remette à faire ce qu’elle sait faire mieux que tout autre système, à savoir créer de la valeur, sans se transformer en une machine à générer des inégalités et des exclusions.

Nous ne sommes pas en 1929. Nous sommes en 1492. Aux frontières d’un Nouveau Monde. "

En mesurant ce qui a été réalisé jusqu'à présent par rapport à ce qui est préconisé par JM Sylvestre et O Pastré, il semble que, malgré certains pas en avant, nous sommes encore loin du compte ! C'est une tâche internationale qui demandera beaucoup de temps, de persévérance et de patience. Les gouvernements et les acteurs économiques en seront-ils capables ?

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